Les paradoxes de l'autonomie pour les travailleureuses en CAE
L’autonomie, qu’elle soit décisionnelle ou organisationnelle, est le principal moteur de l’engagement individuel en coopérative d’activités et d’emploi selon la recherche-action de Viv(r)e le Travail Autrement.
Cette donnée est confirmée par ce que nous livre en réunion d’information les personnes qui souhaitent rejoindre Azelar. Iels recherchent un endroit pour porter des activités qui font sens et qui collent à leur propre échelle de valeurs. Certain·e·s, issu·e·s du salariat, veulent se détacher de liens de subordination vécus de manière plus ou moins douloureuse. D’autres évoquent rapidement leur environnement de travail. Iels sont attaché·e·s à créer leur relationnel de travail, leur boîte à outils, à choisir leur rythme et à l’adapter à leurs spécificités.
Pour autant, Clément Ruffier de l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) nous rappelle que, dans l’histoire du management, les employeurs passent d’une autonomie proscrite à une autonomie prescrite. Au sein des organisations, il est de plus en plus courant de voir les salarié·e·s réaliser leur tâche, mais aussi les organiser, les planifier voire les contrôler. Cette responsabilisation engage les individus plus fortement à leur travail. Elle induit un besoin de bien réaliser ses tâches et accroît ainsi le rendement de l’entreprise. De facteur d’émancipation, l’autonomie au travail devient facteur de productivité.
En tant que tel, l’autonomie devient paradoxale : elle peut être désirée par les salarié·e·s mais les confronte à des risques amenant à l’épuisement professionnel (stress dû à la responsabilisation individuelle croissante, conflits de valeur vécus au travail…).
« Plus que la charge de travail, j’ai sous-estimé la charge mentale liée au fait d’être désormais la cheffe de ma propre entreprise » – Rose-Amélie Da Cunha
En coopérative d’activité et d’emploi, les professionnel·le·s du secteur culturel ne sont pas épargné·e·s par ce constat.
Le pilotage de leurs activités ne se fait pas hors sol : iels évoluent dans des systèmes interdépendants de leur sphère professionnelle et de leur sphère intime. Leur idéal d’autonomie se frotte ainsi aux contraintes réglementaires, aux usages de leurs corps de métier, et à leurs propres besoins économiques, familiaux, éthiques…
Cette complexité peut engendrer du stress, comme le précise Rose-Amélie Da Cunha dans son billet « Ce que 3 années en freelance m’ont appris » : « Plus que la charge de travail, j’ai sous-estimé la charge mentale liée au fait d’être désormais la cheffe de ma propre entreprise ».
Les risques d’épuisement dus à l’autonomie, bien que vécus individuellement, doivent trouver une réponse collective.
En coopérative d’activité et d’emploi, nous cherchons à détecter les risques professionnels en accompagnant individuellement chaque coopérateurice sur son activité et en multipliant les espaces de parole.
L’enjeu est ensuite de trouver des cadres d’action collectifs pour diminuer les risques vécus individuellement. Au même titre que la protection sociale du régime général vient soutenir les moments où le travail n’est plus possible (maladie, maternité/paternité, chômage…), les dispositifs de mutualisation des coopératives d’activité et d’emploi doivent venir en aide aux entrepreneur·e·s-salarié·e·s pris·e·s dans les paradoxes de l’autonomie.
En participant à la recherche-action sur les « paradoxes de l’Autonomie », Azelar souhaite prendre de la hauteur sur ce sujet complexe pour co-construire de nouvelles résolutions collectives.
« Le Paradoxe de l’Autonomie : entre facteur de santé et facteur de risque » est une recherche-action initiée en janvier 2024 par La Manufacture Coopérative et le Chapeau, recherche créatives et coopératives et financée par l’ANACT.
Les CAE Elycoop, Grap, Cabestan et Graines de SOL/Azelar sont associées à cette recherche durant 1 an. Elles se réunissent ponctuellement lors de séminaires, de sessions de théâtre forum et de projections vidéo pour mettre au travail cette problématique.